Paroles de pro : Une installation sur une ancienne carrière de l'Orne
En 2023, Aurore Rousseaux, 39 ans, a fait le choix audacieux de quitter le Nord-Pas-de-Calais pour s’installer en Normandie, avec un projet ambitieux : devenir paysanne boulangère. Récemment, elle a acquis de la Safer 7 hectares et 47 ares à Écouché-les-Vallées.
Avant de se lancer dans l’agriculture, Aurore Rousseaux a travaillé dans une couveuse d’entreprises, accompagnant des porteurs de projets dans le milieu rural, notamment agricole. Elle confie : « J’avais envie de quelque chose de plus concret, de passer à la pratique. » Attirée par le climat normand, semblable à celui de sa région d’origine, elle déclare : « La Normandie a un climat qui ressemblait au Nord-Pas-de-Calais, alors nous avons décidé avec mon compagnon, François, de déménager ».
Ensemble, ils ont participé il y a deux ans au camp Alterfixe, favorisant les rencontres entre agriculteurs. Ils ont par la suite participé aux autres évènements Alterfixe et ont passé une année de woofing*, où ils étaient accueillis sur des fermes pour donner un coup de main aux agriculteurs en échange d’être nourris et logés. « Cela nous a permis d’apprendre le métier, d’élargir nos connaissances sur le milieu agricole et de nous créer un réseau », raconte Aurore. Elle souligne l’importance de cette communauté : « Il y a un réseau local intéressant, les agriculteurs nous ont bien accueillis, on se voyait bien vivre là en Normandie ».
Pour préparer son installation, Aurore a suivi une formation BPREA avec une spécialisation de paysanne boulangère et a rejoint la coopérative Rhizome. Ce dispositif lui permet de commencer son activité petit à petit, avec un accompagnement en formation et un développement de son réseau professionnel. « L’idée, c’était d’être installée avant mes 40 ans », précise-t-elle.
À Écouché, bien que la culture soit au cœur de leur projet, Aurore et François habitent à Lougé-sur-Maire, où se trouve également le fournil. Avec l’arrivée de Nicolas, un collègue de Rhizome, ils sont désormais trois à travailler au fournil. Aurore explique : « Nous devons attendre 3 ans avant d’utiliser nos 7ha 47a pour semer du blé afin d’obtenir le label bio. En attendant, nous allons semer une prairie temporaire et vendre la récolte d’herbe sur pied pendant 3 ans à d’autres agriculteurs éleveurs le temps de la conversion ».
Elle ajoute : « Cela permettra de nourrir le sol et atteindre un bon niveau de qualité (ça se travaille en amont), c’est la façon de faire en bio ». Malgré la période de transition, Aurore et François sont déjà en mesure de proposer des produits labellisés bio sur les marchés locaux, grâce à l’achat de farine bio à un collègue paysan boulanger. « Lorsque nous pourrons nous concentrer sur les cultures, nous sèmerons du blé, sarrasin, seigle et de l’épeautre pour suivre le marché actuel, et à plus long terme, de l’huile », détaille-t-elle.
Pour assurer la transformation de leurs céréales en produits finis, Aurore et François ont acquis un petit moulin auprès d’un artisan breton. « Nous voulons être autonomes en farine et faire tout nous-mêmes, afin de vendre les produits en direct », précise-t-elle. Cette installation leur permet d’avancer à leur rythme. « C’est une installation très progressive : planification, fournil, ça nous permet d’y aller au fur et à mesure ».
Concernant leur acquisition de terres, Aurore souligne l’appui de la Safer de Normandie : « On a été très bien reçus, on ne pensait pas nécessairement être retenus vu qu’il y avait d’autres candidatures ». Elle ajoute « C’était la zone géographique qui correspondait le mieux à mon projet, les surfaces en vente étaient assez faibles pour nous permettre de les financer, mais suffisamment grandes pour donner du sens à un début d’installation ». Pour Aurore, c’est une « très bonne première étape », surtout dans un contexte où non issu du milieu agricole, c’est difficile d’accéder au foncier ».
Aurore et François sont heureux de leur avancée avec la Safer : « Nous sommes contents que le projet ait été sélectionné ». Ils encouragent d’autres porteurs de projets à explorer les opportunités offertes par la Safer : « On le dit maintenant autour de nous, on dit aux copains de regarder le site internet de la Safer de Normandie ».
Le projet d'Aurore Rousseaux illustre une approche réfléchie et structurée pour une reconversion professionnelle réussie.
*C'est un système d'organisation qui consiste à faire travailler bénévolement des personnes sur une exploitation agricole et biologique, en échange du gîte et du couvert